• -1-

    De tout temps, bien que les histoires et les contes se déroulent dans un univers fictif, où tout est possible, elles restent quand même rationnelles : les princes sauvent les princesses des griffes des méchantes sorcières, les vampires brillent ou brûlent au soleil, le cola n'est pas nocif pour la santé, et les zambies ne parlent pas, ne courent pas, et raffolent des cerveaux.

    Et si aujourd'hui, maintenant, on brisait toutes vos conventions ? Et si les princes pétaient au nez de la princesse pour copuler avec la sorcière ? Si les vampires étaient allergiques aux fraises ? Si le cola vous transformait en bombe radioactive ? Si les zambies étaient … les moins fous des histoires de zambies.

    Et c'est ainsi que notre histoire commença, par une chaude journée d'été …

     

    .:1:.

     

    Il était une fois, dans le bayou parisien – parce que oui, c'est un conte, tout est possible et rationnel – quatre jeunes et beaux adultes, pétillants de vie qui revenaient d'une folle journée passée au célèbre parc d'attraction connu de tous et fréquenté par une souris schizophrène en short rouge. L'air était lourd, la route fondait littéralement devant les yeux d'une jeune femme brune, grimaçant devant de tels mirages.

      

    .:1:.

     

    Nan mais le goudron va me coller aux chaussettes ! Piallait la conductrice, lâchant un profond soupir de désespoir.

    Et puis moi j'ai faim, gronda un des deux hommes au fond de la voiture. Trouve nous de quoi bouffer Angela !

    - Oui bah trouve moi quelque chose dans ce désert de civilisation et on en parlera !

    - Y'a même pas un tatoueur dans le coin ! Beugla la deuxième jeune femme.

    - Bah c'est pas toi qui supporte ton mec sur tes épaules hein, il est chiant celui-là !

     

    .:1:.

     

    En effet, tous vadrouillaient sur une route de campagne, pleine de nid de poule, où l'herbe commençait à reprendre ses droits et où Angela aperçut un ruisseau qui la traversait dans sa largeur, avant de se rendre compte qu'elle venait de réduire à néant une famille de batraciens gluants, plus communément appelé « grenouilles ».

     

    .:1:.

     

    Et dans le fond de la banquette arrière usée par les mites, une dernière âme se fit entendre, secouée par les tremblements de la voiture dans l'instabilité de la route.

    _ J'ai mal au coeur ….

    - Nan ! Dégueule pas ou je te fiches dehors ! S'emporta la deuxième homme, complètement paniqué.

    - Au moins ça te fera de la bouffe Nathanaël …. Je veux mon piercing moi, se remit à geindre la passagère avant.

    - Mais moi j'ai faim Andrée, c'est on ne peut plus vital comme besoin, non ?

    - Et moi j'ai besoin de changer mon tampon, alors arrêter de vous pinailler et laisser moi me concentrer.

     

    .:1:.

     

    Et à cette charmante annonce, personne ne sut que répondre. Alors Angela se concentra sur la route, se dandinant sur son siège pour tout maintenir en place, Andrée en pleurant sur son piercing manqué, Anthony – oui il a bien un prénom celui-ci aussi – retenant ses hauts le cœur et embaumant la voiture de son doux fumet d'éructation élégante et raffinée, tandis que l'estomac de Nathanaël remplaçait l'autoradio de la voiture, qui avait du subir le courroux de sa propriétaire.

     

    .:1:.

     

    Quand soudain, la conductrice s'exclama, faisant sursauter toute son équipe de valeureux guerriers :

    - Forêt !

    - Quoi ?! Tu débordes ? Se réveilla aussitôt son compagnon, partit au pays des rêves sucrés de crème chantilly, de pâte à tartiner et de sucre glace.

    - Oui, mais on s'en fiche ! Y'a une forêt droit devant !

    - Tant qu'on parle pas de la tienne, je m'en fiche.

    - Mais y'a même pas un magasin de fringues la dedans, n'y va pas, se remit à piailler Andrée.

    - Roulons ! Rien à cirer, partons à l'aventure.

     

     .:1:.

     

    Et c'est ainsi que Angela appuya sur la pédale d'accélérateur et s'enfonça dans les bois, alors que ses passagers s'accrochaient à leurs sièges, hurlant de toute leurs forces. Et le véhicule disparut dans le sous bois, ne laissant que leurs hurlements percer le silence, et un « ami », plutôt surpris, penchant sa tête branlante sur son épaule abîmée, son orifice buccal entrouvert, d'où sorti un son, signifiant tant et peu de chose à la fois.

     

    .:1:.

     

    - Huh ?

     

     


  • -2-

     

     

    .:2:.

     

    Revenons à nos aventuriers intrépides et sans peur, dans leur superbe véhicule tout terrain … qui avait terminé sa course dans la rivière, les roues ne voulant plus avancer, réclamant leur pause bien méritée.

     

    .:2:.

     

    Bon ben, Andrée tu viens m'aider à pousser, fit Nathanaël en ouvrant sa portière.

    - Nan nan nan ! Plutôt mourir bouffée par un zambie que de mettre mes New Rocks dans la boue, c'est même pas la peine d'y penser. Anthony, réveille-toi, va pousser.

    - Grumpf !

     

    .:2:.

     

    - Veux pas mourir ici ! Pas dans cet état, les enquêteurs vont se foutre de moi et de mon inondation, dit la conductrice, au bord de la dépression nerveuse, riant jaune ou pleurant, selon votre convenance.

    - Mais non Angela, la rassura alors son compagnon. Fais moi câlin mon bébé.

     

    .:2:.

     

    Il tendit alors les bras vers elle, tandis que son visage s'éclairait de ravissement, avant que ce dernier ne se ravise, croisant ses doigts devant elle.

    - Vade retro Angelas ! T'as tes règles ! Tu veux ma mort ou quoi ?

    - J'te déteste ! Sale emo en carton … nan ! En papier bulle, tu pètes dès que je te touche.

    - J'ai mal au cœur ….

    - Civilisation !

     

    .:2:.

     

    Ce dernier mot, hurlé comme un appel à la victoire, fit réagir tout l'équipage qui se tourna comme un même homme vers le doigt pointé de Andrée : une bute sur laquelle se trouvait une ravissante petite ferme, surplombant un chalet, sur lequel était inscrit en lettres manuscrites : « Mamie Maire, saveurs amères. »

     

    .:2:.

     

    Tu veux sérieusement entrer là dedans ? S'exclama Angela en détaillant la sombre bâtisse dressée devant eux, entourée d'innombrables déchets datant au moins de la guerre mondiale de soixante dix-huit.

    - Moi je suis partant, et puis j'ai faim, alors on a pas le choix, conclut alors le mécheux en s'avançant à grandes enjambées vers le chalet.

     

    .:2:.

     

    Ses trois comparses préféraient quant à eux rester près de la rivière qu'ils venaient de traverser, plutôt que de risquer leur vie dans cet environnement improbable. Une femme sortit alors de la maison pour s'approcher de notre valeureux soldat tout vêtu de bleu.


  • -3-

    .:3:.

     

    Bienvenu chez Mamie Maire, le restaurant aux saveurs amères, clama-t-elle tandis que ses cheveux vomissaient leur couleur verte et que des mites courraient sur ses vêtements usés par les nombreuses lunes passées sur le dos de cette femme infâme.

    - Vous faites à bouffer ? Demanda-t-il, les yeux emplis d'étoiles.

    - Oui, bien sûr, c'est un restaurant ici, et tout ce qui s'y trouve est … appétissant, continua-t-elle d'une voix doucereuse.

    Il se tourna alors vers ses compagnons d'infortune, un sourire béat sur le visage, et leur fit de grands signes, les incitant à se rapprocher de lui et de leur hôte fort agréable.

     

    .:3:.

     

    Et les gars ! Y'a à bouffer ici, venez ! Et je suis sûr que y'a des chiottes pour toi ma puce !

    A ces doux mots sonnant comme une délivrance, la « puce »de Nathanaël s'approcha de lui, sautillant, ne rêvant qu'à changer son tampon, peut importe le lieu où elle se trouvait. Et elle fut très vite rejointe par le deuxième couple de la bande, l'homme accroché au bras multicolore de sa compagne, comme si sa vie en dépendait, tandis qu'elle s'émerveillait de la beauté du lieu où ils avaient atterri.

     

    .:3:.

     

    Ah mais c'est glauque en fait, j'adore la déco, c'est trop stylé ! Piailla-t-elle, des étoiles dans les yeux.

    Tous quatre réunis, ils entrèrent dans le « restaurant », tout d'abord soulagés, puis ensuite très intrigués. Et en effet, il y avait de quoi. Bien que la bâtisse semblait être tout ce qu'il y avait de plus normale, l'intérieur n'en était pas moins déroutant.

     

    .:3:.

     

    Un véritable bric-à-brac d'objets plus incongrus les uns que les autres. Certes, il y avait des tables dressées, avec des couverts ou du moins ce qui y ressemblait, mais également une cheminée couverte de suie, d'innombrables bougies allumées, de lustres, d'appliques, une chaise roulante semblant avoir connu un autre monde, armoires à pharmacie douteuses, des tonneaux, un escalier usé par le temps et des murs … abattus, laissant apercevoir diverses tapisseries, roses, bleues, jaunes, couleur chameau, bien usées elles aussi par le temps.

    - Comme vous pouvez le constater, je n'ai pas beaucoup de clients aujourd'hui, alors installez vous où bon vous semble.

     

    .:3:.

     

    Angela s'approcha subrepticement de sa meilleure amie, lui attrapant un sein, chouinant dans sa barbe.

    - Il m'inspire pas confiance ce restau … j'ose pas aller aux toilettes toute seule, viens avec moi Andrée, je t'en prie …

    - Nan mais ça va pas la tête, pas envie de te voir sous ce jour là, nan nan nan …

     

    .:3:.

     

    Désespérée, elle se tourna vers son petit ami, la bouille suppliante pour que celui-ci réponde à sa question par la positive d'un simple regard.

    - Nan mais qu'est-ce que tu comprend pas dans le mot « hémophobe » hein ?

    - T'es pas plutôt émo-con ? Bouda-t-elle en se dirigeant vers les toilettes du restaurant, sans grande conviction.

     


  • -4-

     

    .:4:.

      

    Durant ce temps, ses amis s'installaient à la table du fond, prenant chacun un menu, sous l'oeil scrutateur de la maitresse de maison, fascinée par leurs faits et gestes, et dont sa langue, discrètement, sortit de sa bouche pour se caresser les lèvres, habitée par un appétit grandissant.

     

    .:4:.

     

    - Pourquoi est-ce que il n'y a que du coca-cola dans le choix des boissons ? Coca-Cola, Coca-Cola Light, Coca-Cola Zero, Coca-Cola Cerise, Coca-Cola Vanille … énuméra Anthony, commençant à se calmer de l'estomac.

    - Je veux un Coca-Cola avec mon prénom ! Trépigna Nathanaël, très vite rejoint par Andrée, sous le regard blasé de Anthony.

     

    .:4:.

     

    Puis, arriva la dernière roue du carrosse, la conductrice de l'équipage, trainant de la patte avant de s'installer à table, le regard livide, complètement sous le choc de sa découverte dans le lieu censé être le plus propre de ce restaurant : les toilettes. Elle s'installa, amorphe et presque zambifiée avant d'attraper un menu.

    - Un problème Angela ? S'enquit Andrée quelques minutes plus tard alors que leur amants s'empiffraient de nourriture chinoise (?), voyant bien que son amie n'était pas dans son assiette devant son repas composé de nems.

     

    .:4:.

     

    J'ai vu des … des trucs inimaginables, finit-elle par avouer, tremblante d'effroi. Il … il y avait du sang … du sang partout …

    - C'était à ce point inondé ? Mais dis moi que ta petite culotte a survécu hein ? S'inquiéta Nathanaël, la bouche pleine de beignets de crevette.

    - Mais on parle pas de ma culotte ! Y'a eu un meurtre dans ses chiottes je te dis ! J'ai même pas pu poser mes fesses sur la cuvette, j'ai eu trop peur …

     

    .:4:.

     

    A ces mots, tous repoussèrent leur assiette, Anthony accompagnant son geste de son désormais légendaire burp, tandis que les deux autres exprimèrent leur dégout le plus bruyamment possible.

    - Courage, fuyons ! Annonça vivement Andrée en se levant.

     

    .:4:.

     

    Et cette affirmation, validée par l'assemblée sans qu'elle se soit concertée, les fit se lever comme d'un même homme, pour rejoindre en mode commando la sortie du restaurant, tout en évitant le plus possible la propriétaire des lieux, qui cuisinait, en chantonnant, des plats pour ses visiteurs imaginaires.

    - J'ai envie de gerber, se plaignit Anthony en sortant le plus vite possible du restaurant.


  • -5-

     

    .:5:.

     

    Une fois sortis, ce dernier percuta une cinquième personne, elle aussi égarée dans les bois, ce qui rassura notre équipage malchanceux. Angela était alors aux anges et se précipita de doubler notre très cher malade intestinal pour rencontrer leur sauveur, un homme brun qui n'avait pas du prendre de douches depuis des jours. Quand elle s'attarda un plus sur ces traits, celui-ci la regarda, les yeux vides de toute expression humaine.

     

    .:5:.

     

    - Faut faire attention, il y a des zambies ici …

     

    .:5:.

     

    Et à cette voix chevrotante, sortie d'outre-tombe, Angela fit :

    - AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

    Et son comparse fort amoché fit :

    - AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

    Et elle fit :

    AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

    - AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

    - AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

    - Buuuuuurp !

     

    .:5:.

     

    Et c'est ainsi que Anthony rendit accras, beignets de crevettes et samoussas sur les chaussures de ce magnifique spécimen de zambie, maintenant bien défini par cette bande de copains froussards.

    - Ah, ça va mieux !

    - Élégant1soupira Andrée, blasée face au manque de politesse et même de finesse de son compagnon pourtant bien mignon.

    - Dans le placard ! Beugla Nathanaël, tout content d'avoir pu sortir sa célèbre blague.

     

    .:5:.

     

    Pendant ce temps, Andrée s'était approchée du zambie, intriguée par son accoutrement digne du XVIIIe siècle. Elle le regarda attentivement, littéralement fascinée, tandis que Nathanaël se remettait de son fou rire et Anthony de son problème d'estomac.

    - Très élégant votre costume monsieur le zambie, vous venez de quelle époque ?

    - Nathanaël, enchanté ! Déclama celui-ci en lui prenant le bras pour lui serrer la main de la manière la plus virile et classe qu'il soit.

     

    .:5:.

     

    Mais il la serra avec tellement de vigueur que le bras de son comparse lui resta dans la main, écorché vif du corps du zambie qui se trouvait devant lui. Et dans un élan de courage inespérée, Angela s'enfuit en courant et en criant à pleins poumons vers la butte où se trouvait la fermette et ses animaux. Et c'est dans une vache zambie que notre valeureuse conductrice s'encastra avant de tomber sur son adorable fessier, qui se termina plein de terre.

     

    .:5:.

     

    Nan mais c'pas possible, cette fille c'est pas ma copine, je la plaque en arrivant à la maison.

    - Au revoir monsieur zambie ! fit Andrée en attrapant le bras de Anthony pour aller rejoindre Angela, bien sonnée près de ses vaches.

     

    .:5:.

     

    Une fois arrivés à la hauteur de la brunette, son futur ex-petit ami l'aida à se remettre debout sur ses jambes, flageolante comme un poulain tout fraichement né. Andrée abandonna son compagnon pas frais pour soutenir sa meilleure amie jusqu'à la voiture, car il ne faut pas oublier leur objectif principal : rentrer chez eux et mettre le plus de distance entre eux et cette « Mamie Maire » un peu beaucoup très glauque, trop au goût de notre adoratrice du glauque.

     

    1 : Et les gants ?