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    - Qu’est-ce que tu fais ? Demanda la femme à son mari qui traînait sur son PC depuis quelques heure maintenant. Elle n’avait pas vraiment osé le déranger de peur que l’homme soit prit dans son travail. Mais en passant derrière lui, elle avait remarqué que la plage affichée n’avait rien à voir avec un quelconque codage ou site sur lesquels il travaillait le plus souvent. Son mari était informaticien. Et ça fait un peu plus de dix ans maintenant qu’ils sont mariés et qu’elle connaît ses habitudes de travail. Et là, le site sur lequel il traîne depuis tout ce temps ne lui plait pas du tout.

    - Yakari m’a envoyé des liens pour des appartements à Bergerac. Dit-il sans dévier son regard du lieu d'habitation qu’il convoitait.
    - Tu te moques de moi Damon ?
    - Non.
    - Je ne veux pas partir en France et je te l’ai déjà dit !

     

     

    L’homme soupira, cela faisait des mois qu’il se disputait avec sa compagne qui ne voulait rien comprendre, lui voulait rejoindre son frère et ses proches là-bas mais sa femme avait sa famille ici et il comprenait qu’elle ne veuille pas bouger. Mais s’il n’y avait que ça…

    - Tout ne tourne pas autour de toi Misuki ! Le Japon n’est pas un pays adapté à Keagan et il est hors de question qu’il reste ici une année de plus !
    - Tu dis n’importe quoi, ca sera partout comme ça. Ton enfant est différent, il faut faire avec.
    - “Mon enfant” Je te rappelle qu’il t’appelle Maman… c’est autant ton fils que le mien.
    - Je n’ai jamais voulu d’un handicapé moi. Je l’accepte parce que je ne peux pas faire autrement, mais je n’ai pas le moindre sentiments pour lui.

     

     

    Damon se leva pour lui faire face, il était choqué des dires de sa femme, jamais il ne l’aurais pensé capable de dire ce genre de chose.

    - Comment tu peux dire ce genre de chose ?! Tu vois c’est pour ça qu’il faut qu’on parte. Cette mentalité est ignoble ! C’est pour ça qu’il se fait tabasser à chaque fois qu’il ose sortir de la maison, parce que personne accepte sa différence. Et je suis terriblement choqué et déçu que tu sois la première à le penser.
    - C’est pas ce que je voulais dire !
    - Oh si ! Et toute ta famille le pense.
    - Je ne te suivrais pas Damon. Ma vie est ici. Finit-elle en croisant les bras, bien décidé. Il n’allait tout de même pas partir pour son fils alors qu’il avait tout ici. Enfin c’est bien ce que Misuki pensait.
    - J’y compte bien. Je vais partir avec Keagan.

     

     

    Il attrapa sa sacoche et en sortit un dossier qu’il posa sur la table. La jeune femme regarda le dossier, les yeux rond en comprenant ce qu’il était en train de faire. Il choisissait vraiment son fils ? Elle ne pouvait pas vraiment comprendre vu qu’elle n’avait pas d’enfant elle-même. Et Keagan, elle n’a jamais été aussi proche de lui comme Damon l’aurait souhaité. Il avait réalisé assez tard la bêtise qu’il avait faite en se remettant avec elle cinq ans après le décès d’Elena. L'ex petit-ami de Damon est décédé dans un accident de moto, moto qu'il conduisait. Il lui fallu beaucoup de temps et un bon psychiatre pour pouvoir sortir de son "Syndrome du survivant"

    - C’est …
    - Les papiers du divorce. Mon côté est rempli. Quand tu auras fini j’irais les déposer au tribunal.
    - Tu choisis Keagan alors…

     

     

    Damon se retourna vers elle, le souffle coupé. Cette affirmation le frappa aussi fort qu’un upercut. Il ne comprenait pas comment cette famille pouvait être au dessus de tout, ou en tout cas, se prendre pour le nombril du monde.

    - Bien sûr que je choisis mon fils ! Enfin, tu es bête ou quoi ? Mon fils passera toujours avant qui que ce soit Misuki et t’aurais dû le comprendre depuis longtemps.

    La jeune japonaise regarda son futur ex-mari pendant quelques secondes sans savoir quoi faire ou quoi dire. Elle ne comprenait pas. Elle était sa femme, celle qui partageait son lit, celle a qui il faisait l’amour, qu’il avait épousé… Il partageait tout depuis dix ans et il l’a régnait pour … son fils ? Ce gosse incapable de sortir, de faire quoi que ce soit de ses mains qui ne pouvait pas faire autrement que de rester aux crocher de ses parents… Elle le quittait pour lui ?

     

     

    - Tu vas le regretter.
    - C’est une menace ?
    - Non. Je dis juste que tu finiras par le regretter quand tu te retrouveras seul avec “ton fils” en France.
    - Je serais beaucoup moins seul avec mon fils en France qu’ici avec toi. Dit-il pour finir avant de rejoindre sa chambre pour récupérer quelques affaires. Il n'a plus qu'à s'installer dans la chambre d’ami avec un futon le temps de leur départ pour la France. 

     

     

    A Quelques mètres de là, assis dans le couloir extérieur, un adolescent avait tout entendu. Il n'était pas bête, loin de là, il avait juste du mal a interprété tout ça. Sa mère ne l’aimait pas, elle avait dit qu’il était handicapé, différent et qu’elle n’avait pas de sentiments pour lui : Donc, elle ne l’aimait pas. Puis elle avait parlé fort et son père aussi mais lui il l’aimait, il lui répétait tout le temps, et il le lui montrait.
    Keagan avait appris avec son père à décrypter les comportement, les mimiques, les différents sourires, il avait su assez rapidement que Misuki ne lui faisait que de faux sourire, ne s'embêtent pas vraiment à faire des efforts quand son père s'absentait, tendit que Damon avait été dans le dénis assez longtemps. Alors le jeune homme n'était pas vraiment surpris mais c'était loin d’être agréable.
    Damon lui avait aussi appris à parler Anglais et Français. Il lui faisait les cours à la maison en plus de son travail d’informaticien. l’adolescent n’avait pas mis les pieds longtemps à l'école. La seule fois qu’il y était allé, il était revenu quelques semaines après avec le visage en sang. Et c’est encore ce qu’il lui est arrivé la semaine dernière quand Misuki l’avait envoyé chercher quelques courses au Konbini du coin. Maintenant il se demande si elle n’avait pas prévu le coup. Mais son cerveau créait des scénarios à cause des révélations qu’il venait d’apprendre. 

     

     

    Keagan ferma les yeux quelques instants et prit de grandes et lentes respirations comme lui avait appris son père quand il sentait une crise pointer le bout de son nez. Il était sujet à pas mal de crises d’angoisse malgré lui. Le moindre changement d’habitude ou de routine et il pouvait les enchaîner. Le brun n’était pourtant pas atteint d’un des spectre autistique les plus handicapant. Il pouvait se débrouiller par lui-même et comprendre une conversation mais il n’avait jamais pu être suivi correctement ici. 

     

     

    - Keagan ? Ça va ?

    Le jeune homme redressa la tête vers son père qui venait de le rejoindre… il haussa simplement les épaules en le laissant s’installer à ses côtés. Keagan ne mentait jamais à son père, ça ne servait à rien. Déjà il mentait très mal et de plus, son père le connaissait bien trop pour essayer.

    - Tu nous a entendu …
    - Oui, maman ne m’aime pas.
    - Ce n’est… il s’arrêta. A quoi bon cacher la vérité. C’est pas qu'elle ne t’aime pas Keagan, c’est compliqué.
    - Elle ne m’aime pas papa, elle ne m’a jamais souris comme à toi ou aux autres membres de la famille. Quand tu n’es pas là, elle ne m’adresse pas la parole. Dit-il en regardant son père dans les yeux. Une fois, j'ai fait une crise et elle m’a enfermée dans la salle de bain. Elle m’a fait sortir juste avant que tu arrives.

     

     

    Damon secoua doucement la tête, n’en croyant pas ses oreilles. Il n'était pas du tout au courant de tout ça et s’en voulait tellement de faire vivre cela à son fils alors qu’il devait déjà se battre contre lui-même au quotidien.

    - Je suis désolé Keagan, mais je te promets que ça va aller mieux. On va partir en France, on va recommencer là-bas toi et moi. On va rejoindre Yakari, Danni et Braxton. Tu l’aime bien Braxton non ?

    Keagan fit la grimace, son cousin n'était pas celui qu’il voulait voir en priorité.

    - J’aime bien Cameron et Oncle Davon. Dit-il avec un petit sourire sur les lèvres. 

     

     

    Damon sourit à son tour en regardant son fils, c'était tellement rare de le voir sourire franchement. Le père de famille s’approcha de lui et le prit doucement contre lui avant de lui embrasser le front. Keagan sourit et s’allongea en posant sa tête sur les genoux de son père en soupirant d’aise. Il voulait rester avec son papa pour toujours, il se sentait tellement en sécurité avec lui.

    - C’est vrai que quand on va en France pour les vacances, c’est souvent lui que tu réclamais. Heureusement Davon était toujours très heureux de te garder chez lui. C’est quand la dernière fois qu’on y est allé ?
    - Y’a deux ans… j’ai dormi avec Cameron et on s’est embrassés. Je m’en souviens bien.
    - Hein ? Mais c’est ton…
    - Il est adopté papa. 

     

     

    - Oui mais… Bon ok c’est pas le fait que ce soit Cameron qui m’embête. Mais que tu grandisses… Dit le jeune père de famille en se mettant à rire, se rendant compte du ridicule de sa phrase. Il avait eu Keagan si jeune, que maintenant, a trente-quatre ans, il se retrouvait avec un adolescent de dix-huit ans.

    Keagan fit une petite moue en détournant les yeux. C’est vrai qu’il pensait souvent à Cameron, mais il ne lui parlait pas via les réseaux sociaux. Il n’aimait pas ça. Il préférait largement parler aux gens de vive voix.

    - Ça me fait peur de partir…
    - Je me doute Keagan, mais c’est pour ton bien. Là-bas on te trouvera une psychologue adapté, tu passeras des tests et on pourra savoir ce que tu es. Tu pourras apprendre à gérer tes crises, tes peurs et tes angoisses. Tu pourras aller au lycée et passer ton bac avec un AVS. Tu pourras te faire des amis aussi… Et puis au lycée il y aura Kyo et Aurelien donc au moindre problème tu pourras aller les voir.

     

     

    Keagan se redressa, son père avait trouvé les bon mots pour le motiver, il avait tellement envie de partir et même si au début le changement serait compliqué, il avait hâte d’avoir une vie normale enfin.
    Le jeune homme se tourna vers son père, les larmes dévalant ses joues, des larmes de joie en imaginant une vie qu’il aurait toujours aimé avoir.

    - Bah Keagan… Damon se leva et prit son fils dans ses bras en lui murmurant que tout allait s’arranger.